mercredi 3 octobre 2012
TRUST
On nous répète partout qu’il faut retrouver
« Confiance ». Moi, c’est fait. Détendus, après un repas pris au
Melting Pot, derrière l’Opéra de Lille, Bernie et Nono ont répondu à mes
questions…parfois critiques. Qui aime bien châtie bien.
Quand je vous ai
interviewés, il y a deux ans, lors de vos retrouvailles après plus de dix ans
d’absence, vous ne parliez que d’un « one-shot ». Finalement,
l’aventure continue !
Nono : ben finalement,
oui. C’était un « one-shot »,
effectivement, et puis ça s’est bien passé, on a pris beaucoup de plaisir à
être sur scène à Bobital. Donc y’a eu ce plaisir qu’on a pris devant 45000
personnes, ce qui était quand même énorme. D’ailleurs on en a tiré un DVD. Il
s’avère que sur ce DVD on nous a demandé de rajouter trois morceaux studio.
Alors on s’est retrouvé trois jours en studio, on y a pris aussi beaucoup de
plaisir. Et tout logiquement, vu qu’on s’est bien éclaté sur scène et qu’on a
pris autant de plaisir en studio à retravailler ensemble, on s’est dit :on
a remis la machine en route, ça serait un peu dommage d’arrêter là. Tout le
monde nous a suggéré d’essayer de continuer. On a fait cette petite tournée, en
décembre 2006, y me semble, on a fait un passage à Lille et on a repris autant
de plaisir et puis, ben voilà, tant qu’y a du plaisir, pourquoi arrêter ?
Est-ce que je me
trompe ou DJ Deck semble trouver peu à peu sa place dans le groupe ?
Nono : tu te trompes
pas. Il est membre à part entière du groupe. Il fait partie du nouveau Trust et
du son du nouveau Trust. Il apporte beaucoup de choses qui,nous, nous
satisfont.
Qu’est-ce qui vous
branche en musique, actuellement ?
Nono :
actuellement ? Ce qu’on fait ! [ rires] Aujourd’hui on est un peu
noyé. Tant mieux, c’est pas un mal qu’y ait beaucoup de musique. Mais ça devient
plutôt de la consommation : on prend, on achète, on jette. Bernie et moi,
on écoute beaucoup de choses différentes, et tout le groupe d’ailleurs, après on
garde ce qu’on a envie de garder parmi les différents styles musicaux. Personne
en particulier.
Et toi, Bernie ?
Moi, j’écoute l’album de Kid Rock et l’album de Fat Joe.
En intégrant un DJ
hip hop electro dans le groupe, vous n’avez pas peur de…
Nono : on n’a peur de
rien !
Vous n’avez pas peur
de vous aliéner les fans de la première heure qui s’attendent plus à du rock
qu’à des scratchs ?
Nono : non, ce qui est
important c’est d’abord, nous, de se faire plaisir, sinon ça sert à rien. Après
les gens adhèrent, n’adhèrent pas, aiment ou n’aiment pas. Ca, c’est pas notre
problème. Nous, on a fait un album avec Deck, on est très content de cet album
et voilà, c’est tout.
Bernie : faut pas être
dans l’obscurantisme. C’est la faillite de l’intolérance.
13 A Table, ça porte malheur ! Pourquoi avoir choisi ce titre
pour votre dernier album ?
Nono : c’est Bernie qui
a trouvé le titre. Au départ il y avait 13 titres de prévus sur l’album. Il
nous restait un jour de studio. Il s’avère que le dernier jour, on a composé 2
nouveaux titres. Donc y’a 15 titres sur l’album et on a gardé le titre 13 A Table. Comme le dit justement
Bernie, c’est un peu une arnaque. C’est comme les 3 mousquetaires, en fait ils
sont 4. [ rires ]
Bernie : y’a rien de
mystique, quoi ! Y’a pas de mysticisme là-dedans.
La pochette de votre
disque représente une main armée, avec un chapelet en guise de bracelet, qui
prend appui sur la Bible. Le message est clair. C’est osé, non ?
Nono : on a toujours été
un groupe engagé et on agit en rapport avec ce qu’on raconte.
Bernie : aujourd’hui, en
ce qui concerne la religion, y’a une dérive dangereuse. Là aussi, comme les
anciens fans qui supportent pas le DJ, l’obscurantisme, c’est la faillite de la
tolérance, c’est la bêtise !
Est-ce que vous
militez pour un parti ?
Nono : non, on a nos
convictions mais on milite pas.
Bernie : on n’a jamais
milité pour aucun parti, on n’a jamais joué pour aucun parti. Jamais.
Est-ce qu’il
appartient aux artistes de prendre position en politique ?
Bernie : bien sûr, c’est
important. On est impliqué dans la vie, quoi ! Enfin, je veux dire, on est
des citoyens avant tout. Dans la vie, je suis pas chanteur de Trust, je suis un
citoyen lambda qui vit dans une maison, qui paie son loyer, ses impôts. Donc
cette société, je la regarde vivre, je la vois, je l’écoute, je la subis. Je
suis un mec comme lui, comme le monsieur qui est là [ désignant un serveur ],
comme n’importe qui.
Bernie, à 50 ans
passés, crois-tu que la nouvelle génération qui vient assister à tes concerts
est prête à attiser la flamme ? Tu crois encore au grand soir ?
Moi, je suis un utopiste, donc j’ai pour principe de voir
au-delà de l’horizon. Après c’est chacun sa conscience. Si les gens se
contentent de la vie qui est la leur aujourd’hui, grand bien leur fasse !
Moi, j’ai le droit de penser que y’a des choses dans tout ça qui me dérangent
et que je trouve anormales. Qu’y ait des gens qui dorment dehors, qui tendent
la main, moi, je trouve pas ça normal mais y’a peut-être des gens qui trouvent
ça normal. Moi, je trouve pas ça bien, donc j’en parle. Mais y’a rien de
messianique, je vais pas changer le monde, je suis utopiste mais pas à ce point
là. Mais c’est pas pour ça que je dois pas en parler. On ne construit rien dans
le renoncement, rien. Donc on peut dire : ben c’est comme ça. Ben non,
c’est pas comme ça. Ca doit pas être comme ça. Même si c’est comme ça, on doit
pas accepter. Voilà, c’est tout. Mais après c’est une question de
positionnement.
Dans la chanson qui
ouvre l’album 13 A Table, tu dis que
les opprimés latinos, Sadate et Allende, Manouchian et Jaurès, les victimes de
Tchétchénie, les déserteurs de Russie, Martin Luther King, le Mahatma Gandhi
sont parmi nous. Pourquoi cet inventaire à la Prévert ?
C’est uniquement pour rappeler qu’on peut aussi avoir dans
la vie des références qui tirent vers le haut plutôt que d’avoir les références
qu’on a communément aujourd’hui, c’est-à-dire des personnages qui sortent des
émissions de télé-réalité. C’est important d’aller vers le haut, d’essayer
d’élever le débat. Et de montrer que ces gens-là n’ont pas été nécessairement
des « stars ». Anna Politkovskaïa, on a parlé de cette femme parce
qu’elle a été assassinée par les sbires de Poutine mais on n’a pas forcément
dit tout ce qu’elle a fait en tant que journaliste pour rendre compte de la
situation en Tchétchénie. C’est des gens qui se sont impliqués, donc c’est important
de le rappeler.
Certains n’hésitent
pas à vous taxer de candeur manichéenne, voire de démagogie. Que leur
répondez-vous ?
Bernie : rien. Un
crachat. Ca fait trente ans que ça dure. Ce qui les emmerde surtout c’est qu’on
soit toujours là au bout de trente ans.
La question qui
fâche. Que faisiez-vous au Zénith avec Ségolène Royal ? FRA-TER-NI-TE
a-t-il définitivement relégué aux oubliettes AN-TI-SO-CIAL ?
Bernie : c’est pas
incompatible .Y’a rien d’incompatible là-dedans. Déjà la question fâche pas.
Nono : c’était un
concert de solidarité, c’était pas un concert pour Ségolène Royal.
Bernie : c’était pas un
concert pour le parti socialiste ou pour la candidature de Ségolène Royal,
c’était un concert pour la fraternité. Y’avait plein d’artistes qui étaient là.
Y’avait pas que Trust, hein ?
Non, y’avait Neg’
Marrons aussi.
Oui, ben voilà. On a trouvé que l’idée était plutôt bien,
donc on y est allé. Ca aurait pu être un concert pour la dignité, pour le
respect, pour des choses qui aujourd’hui sont, à nos yeux, essentielles. Il
s’avère que cette femme finance cette initiative et je trouve ça plutôt bien.
Y’a rien d’incompatible là-dedans, quoi ! Franchement.
Il y a plus de trente
ans, Bon Scott, le chanteur d’ACDC, vous proposait d’assurer la première partie
de leur concert français…
Bernie : non, y’a pas
plus de trente ans, non, y’a moins de trente ans.
Nono : y’a trente ans.
78.
Bernie : 79.
[vérification faite, c’est Nono qui avait raison. Paris, le
Stadium, 24 octobre 78]
Bon, ACDC sera de
retour à Bercy les 25 et 27 février. Vous y serez ?
Nono : moi, si je suis sur Paris, j’irai les
voir, c’est sûr.
Je sais que ça ne te
dérange pas du tout d’aller voir d’autres artistes. Il y a deux ans on avait
discuté d’un concert qu’on avait vu ensemble : Jerry Lee Lewis à
l’Olympia. Tu retournes le voir en novembre à Forest National ?
Non, là c’est bon. Je l’ai vu deux fois ces derniers temps.
Et puis je sais pas si j’irais jusqu’à Forest National pour le voir.
Sinon, il passe au
Zénith de Paris avec Chuck Berry et Little Richard.
Tu sais, on a eu la chance de les avoir tous les trois en
première partie de Trust.
Alors vous êtes
blasés.
Non, on n’est pas blasé. On a même fait la photo avec Jerry
Lee Lewis !
Veinards !!!
Bernie, tu as écrit
un roman Sirop D’La Rue où tu décris
Nanterre dans les années 67-68, un quartier que tu connais bien. Des écrivains
comme Manchette ou Frédéric Fajardie font-ils partie de tes livres de
chevet ?
De chevet ? Non. Mais Manchette, ouais, j’ai déjà lu.
J’aime bien tout ce qui caractérise, je dirais, l’esprit parisien, le monde
ouvrier.
Quoi de neuf au
niveau de ta carrière cinématographique ?
En ce moment, je suis dans Hugo et je prépare une adaptation
moderne des Misérables pour France 2. Je travaille avec une jeune femme qui
habite ici, qui s’appelle Véronique Lecharpy. C’est prévu pour l’année
prochaine. 8 fois 52 minutes sur les indigents, la misère. Je suis très heureux
d’être sur ce projet. Moi, ce qui m’intéresse dans le cinéma, dans la
littérature, dans la musique, c’est justement qu’il y ait une implication
politique, pas politicienne mais politique.
Jumpin’ Jack Devemy
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