mercredi 3 octobre 2012


                    A Trois Dans Les WC


         Fin des seventies, Ludo, manager du groupe mythique A Trois Dans Les WC, avait envoyé des démos aux divers labels, dont le petit nouveau : Seventeen Records. Fort heureusement, Mr Seventeen n’avait pas tiré la chasse. Il nous ressort aujourd’hui les titres 100% inédits enregistrés en 78 et 79. Le goût de la madeleine…

Woodstock, c’est fini !

         Eté 1978, Saint-Quentin. La petite ville Picardie s’apprête à perdre son calme et sa tranquillité. En effet, un organisateur frappadingue, dénommé Ludo, s’est mis en tête de monter un festival punk à Lesdins, commune proche de Saint-Quentin. L’affiche est alléchante : on y attend Ganafoul, Shakin’ Street, Starshooter, Téléphone et Bijou. Le bruit court dans tout Saint-Quentin que l’organisateur recherche des groupes locaux pour assurer la 1ère partie. Deux garçons et une fille se présentent. Il leur faut un nom. Ce sera : A Trois Dans Les WC. Pourquoi pas ? Les deux garçons s’appellent Reno et Gégène, la fille, Jeannine. Ils consacrent tout l’été à se forger un répertoire et à « peaufiner » leur campagne de promotion. Des graffitis, peints à la bombe, envahissent les murs de la ville : « A 3 Dans Les Waters vous dilate les sphincters », « A 3 Dans Les WC : scato-punk ! ». Le 2 septembre, ils sont fin prêts et arrivent à Lesdins avec une dizaine de compositions qu’ils jouent devant plus de 3000 spectateurs. Entre-temps, ils ont recruté deux autres membres et dorénavant, ils sont 5 : Reno à la guitare et au chant, Jean-Christophe, dit Gédéon, dit Gégène, à la batterie, Jeannine, dite Françoise (allez savoir pourquoi !) aux claviers, à la guitare et au chant, auxquels se sont joints Eric à la basse et Jeannot à la guitare.  Rémy Kolpa Kopoul (alias R.K.K.) les décrit ainsi dans Libération : « Un très jeune chanteur, félin, brun et sensuel, bardé de cuir, la dégaine agressive, le regard méchant porté par des épaules encore frêles. Gédéon, le batteur fou (mais techniquement excellent) ne quitte jamais son abominable gabardine crème ni ses petites lunettes rondes d’intellectuel de gauche. La chanteuse-organiste est attifée d’une détestable combinaison de mécanicien. ». Musicalement, ils ont choisi la voie du punk-rock provocateur. On pense à Devo ou aux Stranglers. Les quelques vieux hippies égarés doivent se faire une raison : Woodstock, c’est fini ! A Trois Dans Les WC a une moyenne d’âge de 19 ans. Après le festival de Lesdins, ils reprennent donc leurs études universitaires à Paris et à Lille. Mais le week-end, ils rejoignent tous leur port d’attache : Saint-Quentin et ils répètent dans l’ancien atelier d’artisan que le providentiel Ludo, devenu leur manager, a mis à leur disposition, juste à côté de la petite maison qu’il habite dans le quartier ouvrier de la ZUP. En 1979, ils enregistrent 2 titres dans le studio du Manoir à Gumery dans l’Aube : Contagion et Chic-Choc. Ce premier 45 tours, autoproduit sur leur propre label Vinyl Humide, est tiré à 1000 exemplaires. Continuant sur leur lancée, ils participent à la première compilation de punk français du label Oxygène : 125 Grammes De 33 Tours, en compagnie d’autres groupes punk du moment, comme Strychnine, Décharge… La notoriété d’A Trois Dans Les WC s’étend grâce à l’indispensable soutien d’une poignée de rock critics inconditionnels : R.K.K. de Libé, déjà cité, Alain Maneval d’Europe 1 qui matraque Contagion dans son émission Pogo ou encore Jackie Berroyer de Charlie-Hebdo. C’est à ce moment que Jeannot, le guitariste, connaît des « ennuis judiciaires », ce qui l’amène à quitter la formation au printemps 1979. A quelque chose malheur est bon. A Trois Dans Les WC découvre un nouveau son en quatuor : Reno se met plus sérieusement à la guitare et le groupe décide de mettre l’accent sur les claviers. Au cours de l’automne, ils réalisent des bandes démo qu’ils envoient à différents labels. En attendant une réponse positive, ils multiplient les concerts. Ceux-ci se terminent souvent en baston générale, comme à la M.A.C. de Villeneuve-d’Ascq où se produisaient également les Bâtards et Model V2 (dont on connaissait le répertoire par cœur vu qu’on les retrouvait inéluctablement en ouverture des têtes d’affiche des concerts lillois de l’époque. Qu’êtes-vous devenus Model V2 ? Faites-nous un signe ! ).

Auto-destruction

         Le 25 février 1980, A Trois Dans Les WC finit par signer un contrat de 5 ans avec CBS, qui demande le changement de nom du groupe : il s’appellera désormais WC3 (sans doute par analogie avec MC5). En décembre, grâce à Patrice Fabien, qui les a à la bonne, Ils enregistrent un maxi 6 titres au château d’Hérouville. (A noter, pour l’anecdote, que Patrice Fabien avait déjà à son actif la réalisation de l’album d’Edith Nylon. Edith Nylon qui était dans la promo de Sciences Po de François Hollande et qui, aujourd’hui, est une business-woman de Manhattan très respectée. Voilà, c’était notre minute people !). Le disque est prêt à sortir, quand CBS demande le retrait d’un des morceaux, Captain Valium, sous le futile prétexte que Valium est une marque déposée et qu’en plus, les paroles pourraient inciter au suicide. « Captain Valium tu tues tu cognes tu m’abandonnes, atone revoir danser cocktown. ». Avec son humour à part, Reno déclare : « Des gens ne comprenaient pas la fin du refrain et, en lieu et place de ‘revoir danser cocktown’, chantaient : ‘faut remplacer Clapton’ ». Toujours est-il que la sortie du disque est repoussée fin du printemps 1981. Il faut retourner en studio et enregistrer un titre de remplacement. Ce sera Poupée Be-Bop, qui devient n°1 au hit-parade de Fréquence Nord, grâce à Pierre-François Debieuvre et son émission Chorus. Octobre 1981, enregistrement d’un nouvel album Moderne Musique au studio Ferber à Paris. A la fin de l’année, coup dur pour WC3 : Gégène, le batteur, pète les boulons. Il a une révélation, du style : j’ai rencontré Dieu ! et il se casse chez les Mormons. Le groupe essaie de résoudre le problème par l’acquisition d’un « Linn-Computer », une boîte à rythmes. « Au moins, elle nous fait pas chier » précise Reno. Les WC, désormais réellement 3, enregistrent un dernier disque en 1983 : La Machine Infernale. J’en retiendrai (l’on ne s’en étonnera guère) une reprise des Stones rebaptisée : 2000 (Sex) Light Years From Home. La machine est lâchée sur scène pour la première fois à Marcq-en-Baroeul, salle Charcot : les WC3 volent la vedette aux Lords Of The New Church. J’y étais ! Peu de temps après, le décès de Jeannine provoque la fin du groupe. Nous sommes en 1984.


                                                                          Jumpin’ Jack Devemy