mardi 24 juillet 2012
Le « Boss » est de retour et
il n’est pas content. Ca se voit tout de suite sur la pochette couleur sépia.
Mâchoires serrées, regard furibard. George W. Bush sait maintenant à quoi s’en
tenir : l’élection présidentielle américaine qui aura lieu dans un an, en
novembre 2008, ne sera pas une partie de plaisir. Déjà qu’il avait le gros
Michael Moore sur le dos, voilà-t-y pas que Bruce Springsteen s’invite à la
fête et part en croisade contre lui.
Quand le
« Boss » bosse, c’est magique, magique !
Bruce revient
donc sur le devant de la scène avec son nouvel et quinzième album studio, nommé
Magic. Un disque éminemment
politique en ces temps de peur et de honte. Sans aller jusqu’à réclamer la
destitution du président des Etats-Unis, comme son camarade canadien, Neil
Young, visiblement préoccupé par le sort de son pays d’adoption (Let’s Impeach The President, premier
single extrait de Living With War,
contient même, il fallait oser, des déclarations consternantes de Bush… ce qui
vaut à son auteur des démêlés judiciaires), Bruce n’hésite pas à sortir
l’artillerie lourde pour dénoncer les écoutes téléphoniques illégales, les
atteintes à l’habeas corpus ou encore l’aide insuffisante apportée aux
habitants de La Nouvelle-Orléans, victimes de l’ouragan Katrina. Et ce qui
motive chez lui le plus de colère, on s’en doute, c’est la mort de jeunes gens
dans la guerre tragique contre l’Irak, même si le nom du pays n’est jamais
cité. Néanmoins, celui qu’on a appelé « la conscience sociale de
l’Amérique » se défend pour autant d’avoir une attitude antipatriotique,
estimant que c’est la politique du président Bush depuis 6 ans qui est
anti-américaine. Il met les choses au point dans une interview accordée à la
chaîne de télévision CBS le jeudi 4 octobre : « Il y a toute une
série de choses que je n’aurais jamais cru voir en Amérique. A un moment donné,
c’est antipatriotique de s’asseoir et de se contenter de regarder arriver des
choses qui dégradent le pays qui vous est si cher. » Alors, Magic, un pamphlet contre Bush et les
milieux néo-conservateurs ? Oui, mais aussi et surtout, un bon disque de
rock US au son riche et puissant. Avec toute la fougue de ses 58 ans – il en
fait facile 10 de moins – Springsteen fait un retour en force : physique avantageux ;
voix superbe, à la fois rugueuse et caressante. Qui plus est, il nous revient
accompagné par les huit musiciens de son groupe historique, le fameux E Street
Band, qu’il avait laissé de côté depuis l’album The Rising, enregistré après le 11 septembre 2001. Il le dit
lui-même sur Radio Nowhere, le
morceau qui ouvre l’album : « Je veux entendre du rythme, un millier
de guitares, des batteries à tout rompre. » D’emblée, le ton est donné. Un
rock direct, méchant, sans chichis. Une ligne de basse extraordinaire, des
guitares et une batterie qui se livrent à une poursuite diabolique, le tout
ponctué par des éclats de saxophone. Une ambiance apocalyptique qui évoque le London Calling des Clash.
« Tous
ensemble, tous ensemble, tous ! »
Il faut sans
doute voir dans le refrain de Radio
Nowhere (« Ici Radio Nulle Part, y-a-t-il quelqu’un de vivant
là-bas ? ») une attaque plus ou moins explicite contre les programmes
radio d’aujourd’hui, formatés, interchangeables. Plus de cheveu dans le potage,
de grain de sable dans la machine et on s’ennuie grave ! Mais cette
question « is there anybody alive out there ? » ne vise pas que
la radio, elle s’adresse aussi à son public. Il l’a lancée à de très nombreuses
reprises, lors de ses concerts, tout au long de sa carrière. Sa façon à lui de
faire réagir les spectateurs et de les promouvoir au rang d’acteurs, lorsque le
show touche à sa fin, qu’il les trouve un peu endormis et qu’il souhaite les
rallier une dernière fois à lui. Repassez-vous
la vidéo du Live In NYC (1.07.2000)
et écoutez bien Springsteen juste avant qu’il n’entame Tenth Avenue Freeze-Out. S’il y a une chose en laquelle il croit
résolument, c’est bien le pouvoir rassembleur du rock’n’roll. Une démarche
artistique qu’il se dicte à lui-même. Springsteen l’a annoncé : il voulait
un album par et pour le E Street Band. Alors, rappelons le nom de quelques-uns
de ses vieux complices : Danny Federici à l’orgue, Roy Bittan au piano,
Max Weinberg à la batterie, Steve Van Zandt et Nils Lofgren à la guitare et,
bien sûr, le « Big Man » Clarence Clemons au saxo. Et, la rumeur
prêtant de graves problèmes de santé à ce dernier, et surtout à Danny Federici,
espérons que cet album et la tournée qui l’accompagne ne font pas que
manifester l’esprit de solidarité si cher aux musiciens anglo-américains et ne
serviront pas à payer les frais d’hôpital. En tout cas, même si Springsteen et
sa bande ne sont plus aussi jeunes ni aussi vaillants, leur enthousiasme est
intact. Jon Landau, leur manager de toujours, récemment interviewé par le
magazine Rolling Stone, a déclaré : « Bruce et moi travaillons
ensemble depuis 1974 et je pense que je ne l’ai jamais vu aussi excité
qu’aujourd’hui », ajoutant : « Clarence a quelques grands
moments sur ce disque. » Pour être complet sur le sujet , apprenez que Magic a été enregistré en 2 mois au
Southern Tracks Studios d’Atlanta avec le producteur Brendan O’Brien, grosse
pointure ayant déjà travaillé avec Springsteen (The Rising et Devils &
Dust) mais également avec Pearl Jam, Neil Young, Aerosmith, Red Hot Chili
Peppers ou encore Bob Dylan. Un conseil : quand vous écouterez le CD, car
je ne doute pas que vous allez l’acheter, ne passez pas à côté de la chanson
cachée Terry’s Song que Springsteen
a écrite en hommage à son garde du corps et assistant Terry Magovern, un ami
décédé le 30 juillet dernier. Sublime ! Un dernier conseil : allez
voir le Boss et son E Street Band en concert. Certaines chansons de l’album
semblent n’avoir été conçues que dans l’optique du live. A l’heure où j’écris
ces lignes, il reste des places (de 54 à 84 €) pour le concert du 12 décembre
au Palais des Sports d’Anvers. Celui du 17 décembre au Palais Omnisports de
Paris Bercy est sold out. Sinon, il vous reste la possibilité de vous rendre à
Londres (Arena O2 – 19 décembre) mais ça vous coûtera plus cher. Ou bien, en
désespoir de cause, priez Dieu que l’option de réservation du Parc des Princes
pour le printemps 2008 se concrétise !
Jumpin’ Jack Devemy
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