jeudi 18 octobre 2012
LADIES & GENTLEMEN …
THE ROLLING STONES
Il n’y aura pas, cette fois, de bataille
des chiffres entre la police et les syndicats. Nous nous sommes comptés. Nous
étions 36.
Comment
transformer un évènement très attendu en un fiasco
Le 7 octobre dernier, Ladies & Gentlemen était projeté
dans une trentaine de salles à travers toute la France, avant sa sortie en DVD.
Ce film est issu de la tournée américaine des Stones en 1972. Il fut présenté
au Ziegfeld Theatre de New York le 15 avril 1974 et ne fut ensuite diffusé que
dans quelques cinémas aux USA. Il n’avait jamais été distribué en Europe. Grâce
au regretté Freddy Hausser, qui nous a quittés il y a deux ans, et son émission
de rock Juke Box sur Antenne 2, on
avait pu en découvrir un extrait (le titre Happy)
en 1976. En février 2001, quelques rares privilégiés avaient eu droit à une
projection du film à la Cité de la Musique de Paris, suivie d’une rencontre
avec l’ami Bill Wyman. Mais c’est tout. La soirée du 7 octobre s’annonçait donc
comme un évènement. Deux salles avaient été sélectionnées dans la région
Nord-Pas-de-Calais : Le Majestic à Douai et Cinéville Nord à Hénin
Beaumont. Va pour Douai. Première déception : le cinéma se trouve en
périphérie de la ville. L’endroit est désert. La caissière, qui n’a pas l’air
très au courant, me demande si c’est pour l’avant-première et me propose un
ticket à 5.50 € alors que le prospectus indique 10 € et les affichettes,
parcimonieusement collées à l’entrée, 12 € !? Arrivé une bonne heure à
l’avance, je me mets en quête d’un peu de chaleur humaine et trouve refuge dans
La Boîte à Pizza située de l’autre côté du carrefour (Je vous recommande la
pizza merguez sauce barbecue). Retour au cinéma : l’endroit est toujours
aussi désert. Un peu surpris, je me dirige vers la salle. Là où je m’attendais
à un parterre de journalistes et rock critics, je me trouve en face d’une poignée
de spectateurs disséminés sur des fauteuils rouge et mauve au demeurant fort
confortables. Quand, enfin, l’écran s’alluma, nous étions 36 et encore,
j’inclus dans le nombre l’ouvreur, fan des Stones, qui, lui, au moins, avait
été informé ! Alors, il va bien falloir, un jour, se poser la question. La
décentralisation, c’est bien (on aurait pu prévoir une séance à Lille) mais à
condition de s’en donner les moyens. Si on ne fait pas de publicité, les gens
ne viennent pas. C’est aussi simple que ça. Quand CielEcran, à qui l’on a
confié l’opération du 7 octobre, ne daigne pas répondre aux demandes
d’information par e-mail ou téléphone et continue d’afficher sur son site, en
guise de communiqué de presse : « Le fichier est endommagé et
n’a pas pu être réparé », on ne peut guère s’en étonner.
C’était quoi, une tournée des Stones, en 72 ?
Il y a cinq mois presque jour
pour jour, je vous parlais déjà des Stones à l’occasion de la réédition d’Exile. Voici la suite. Ladies & Gentlemen est en quelque
sorte l’illustration live de l’album puisque le film a été réalisé pendant la
tournée de promotion, l’American Tour 72, probablement la tournée la plus
mythique du groupe. Les répétitions commencent dès le 17 mai, en Suisse, à
Montreux. Les images figurent d’ailleurs en bonus sur le DVD. Les Stones
s’apprêtent à affronter pour la septième fois l’Amérique du Nord. Peter Rudge,
leur tour manager, est décidé à tout mettre en œuvre pour éviter que ne se
renouvelle la triste expérience d’Altamont. Le 22 mai, à sa descente d’avion à
l’aéroport de Los Angeles, il déclare : « Je me sens un peu
comme Montgomery avant la bataille d’El-Alamein ». 3 juin : premier
concert au Pacific Coliseum de Vancouver.Ca commence bien ! Ce samedi-là,
2000 fans, qui n’ont pu se procurer de billets, essaient de resquiller. Jet de
pierres et de cocktails Molotov. Bilan de la soirée : 31 policiers
blessés, 8 manifestants interpellés. Le 6 juin, lors du concert au Winterland
de San Francisco, Emperor Rosko rejoint les Stones pour enregistrer un show
spécial à la radio. Emperor Rosko, c’est ce célèbre animateur qui officia un
temps sur la station pirate anglaise Radio Caroline. Il a inspiré le personnage
du Comte dans l’excellent film de Richard Curtis, Good Morning England (titre original : The Boat That Rocked), sorti en 2009. En France, il fera les beaux jours
de Radio Luxembourg où il devient « Le président Rosko, le plus
grand, le plus beau, celui qu’il vous faut, celui qui marche sur l’eau ».
En fait, il n’est autre que le fils du producteur de films hollywoodiens, Joe
Pasternak. La tournée des Stones focalise l’attention de tous : les
foules, les flics, les maires, les médias, les billetteries, les invités. Exile On Main Street est numéro 14 au
Top 30 américain. Il restera classé seize semaines et décrochera la première
place. Le 11 juin, au Forum de Los Angeles, on peut voir, entre autres invités,
Billy Preston, Ike et Tina Turner, Jack Nicholson. 13 juin : concert à
l’International Sports Arena de San Diego, 60 personnes arrêtées, 15 blessés.
Le lendemain, à la Civic Arena de Tucson, pluie de gaz lacrymogènes pour
disperser 300 resquilleurs. Le 4 juillet, 48000 personnes, dont Robert Kennedy
Junior, se pressent au stade Robert Kennedy à Washington. 17 juillet :
concert au Forum de Montréal. « La veille du spectacle, deux
individus (des séparatistes franco-canadiens) ont déposé une bombe artisanale
sous un camion transportant le matériel des Stones. Tout le quartier a été
réveillé en sursaut et des vitres ont volé en éclats autour du Forum dont la façade
a été quelque peu endommagée. M. Peter Rudge est venu sur les lieux et, très
flegmatique, ne perdant pas son sourire pour autant, il a déclaré : Ce
genre d’incident survient partout où nous passons, et c’est fort regrettable,
et il a ajouté : Malgré cela le spectacle continue » (MAXIPOP, 31
août 1972-n° 7, avec un poster de Mick Taylor). En effet, le spectacle continue
dès le lendemain. En raison du brouillard pendant le voyage de Montréal à
Boston, les Stones sont contraints d’atterrir à Warwick, Rhode Island. Comme
deux journalistes locaux commencent à prendre des photos et que les Stones
tentent de les repousser, une bagarre éclate. On appelle la police et Keith
Richards est arrêté pour voie de fait. Le maire de Boston, Kevin White, le fait
rapidement relaxer mais le concert débute avec deux heures de retard. La
tournée se termine le 26 juillet par un concert historique au Madison Square
Garden de New York. C’est l’anniversaire de Mick Jagger, il a 29 ans. Parmi les
invités de la soirée donnée ensuite au St Regis Hotel, on note la présence de
Bob Dylan, Carly Simon, Andy Warhol, Truman Capote, la princesse Lee Radziwill (sœur
de Jackie Kennedy) et bien d’autres. Dans l’ivresse du moment, Bill Graham dira : « New York, c’est
New York. Tant qu’on n’a pas fait quelque chose ici, on n’a rien fait du
tout. Ils auraient pu faire vendre toutes les places du Garden pendant un an.
Ils sont la plus grande attraction de l’histoire de l’humanité. Il n’y a qu’un
type qui se soit approché de cela : Gandhi ».
Mick Jagger se souvient
Pour bien comprendre le retentissement de
Ladies & Gentlemen, qualifié à
sa sortie de « film rock le plus puissant de tous les temps » (« the
most powerful rock film ever made »), il fallait d’abord se replonger dans
le contexte de l’époque. Vous voici prêts à découvrir et savourer ce film,
enfin disponible en DVD, grâce au label Eagle Vision. Un bon conseil : ne
vous précipitez pas sur le concert, regardez en priorité les bonus. Les
répétitions à Montreux, puis les deux interviews de Mick Jagger, à 38 ans
d’intervalle, la première pour l’émission Old
Grey Whistle Test sur BBC2 en 1972 et surtout la seconde, filmée
spécialement pour le DVD. Celle-ci s’est déroulée cet été au Dorchester Hotel
de Londres. Mick, vêtu d’une chemise en lin bleu ciel, répond posément aux
questions du journaliste. Oui, l’éclairage est très aléatoire. C’est un film de
son temps, on filmait comme ça dans les années 70. Le nom de
l’éclairagiste ? Chip Monck (A son actif, le Festival de Monterey en 67 et
celui de Woodstock en 69 où il servait aussi de présentateur). La scène était
en forme de lotus. Cette tournée annonçait les prémices de nos grands
spectacles. Le choix des morceaux n’était pas mal, c’était la première fois que
nous jouions des extraits d’Exile :
Tumbling Dice, Sweet Virginia, Rip This
Joint dans une version hyper speedée. Et pourquoi Rocks Off ne figure pas dans le film ? Jagger fait semblant de
réfléchir, se marre et avoue qu’il chantait vraiment faux sur ce titre et que
Keith jouait faux également. Parlant de Mick Taylor, il déclare qu’il assurait
et que sa façon de jouer était très inspirée et poétique avant d’ajouter, d’un
ton moqueur, que c’était un guitariste aussi exceptionnel par son jeu…fabuleux
que par ses chemises…affreuses. Pas plus affreuses, soit dit en passant, que
les grosses ceintures dorées de Jagger. Comme leurs autres copains des Stones,
ils avaient dévalisé Western Costume à Los Angeles avant de monter sur scène.
Les Stones au Texas
Alors, ce film concert ? Rappelons tout
d’abord qu’il a été monté à partir de quatre spectacles donnés au Texas :
le 24 juin, au Tarrent Country Convention Center à Fort Worth et le lendemain,
à l’Hofheinz Pavilion sur le campus de l’Université de Houston, à raison de
deux shows par jour en matinée et soirée. Réalisé par Rollin -un nom
prédestiné- Binzer (père de Seth Binzer, alias Shifty Shellshocks, qui fait
partie du groupe Crazy Town), produit par le même Binzer et Marshall Chess, il
a été tourné en 16 mm par Bob Freeze et Steve Gebhardt de la firme Butterfly
Films, qui appartenait à John Lennon. Ah ! Que le monde est petit !
Décidément, la scène rock est une grande famille. Le DVD, paru le 12 octobre
chez Eagle Vision, a bénéficié d’une remastérisation du son comme de l’image.
Et je peux vous dire que ma vieille VHS australienne, sortie par Video Classics
au début des années 80, ne supporte pas la comparaison. Y’a pas photo. C’est le
cas de le dire. Le noir gagne en profondeur, du coup le contraste est amélioré,
les couleurs sont plus éclatantes et l’image plus nette. Et le son ?
Enorme ! On est en plein concert, pareil au roadie, accroupi dans les
coulisses, prêt à se précipiter sur Keith Richards ou Mick Taylor pour
remplacer une corde cassée. La
set list est incroyable : Brown
Sugar, Bitch, Gimme Shelter, Dead Flowers, Happy, Tumbling Dice, Love In Vain (reprise de Robert Johnson), Sweet Virginia, You Can’t
Always Get What You Want, All Down
The Line, Midnight Rambler, Bye Bye Johnny (reprise de Chuck
Berry), Rip This Joint, Jumpin’ Jack Flash et Street Fighting Man! “The time
is right for fighting in the street, boy” (“C’est le moment de se battre dans
la rue, mon gars”). Mais à 36, que vouliez-vous qu’on fît?
Quand on aime, on ne compte pas
Cette année, les Stones nous gâtent et nous
coûtent cher. Mais, vous connaissez le proverbe, quand on aime… Depuis juin,
vous possédez Stones In Exile, le
documentaire de Stephen Kijak présenté à Cannes 2010. Peut-être avez-vous déjà
acheté le DVD Ladies & Gentlemen. Eh
bien, vous pouvez dès à présent cocher sur votre agenda la date du 9 novembre.
Ce jour-là sortira en édition limitée et numérotée un coffret Ladies & Gentlemen contenant :
un livre de 40 pages illustré de photos de la tournée américaine des Stones en
72 prises par Ethan Russel et Bob Gruen, les deux DVD cités précédemment + un
troisième DVD bonus de 40 minutes contenant des interviews de 72 provenant
d’émissions TV américaines et australiennes et des images tournées sur la scène
du Madison Square Garden avec Stevie Wonder en première partie + une
reproduction de l’affiche originale du film + une écharpe argentée telle
qu’elle était distribuée aux premières du film en 74 + un morceau de pellicule
avec deux images qui seront toutes différentes d’un coffret à l’autre. Un beau
cadeau pour Noël !
Jumpin’ Jack D.
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